mercredi 19 janvier 2022

Douceur en transformation

Douceur dans les transformations

Petit constat de ma vie de coach agile. J'aimerai vous aider à prendre un peu de recul, dans vos activités de transformation, d'accompagnement d'équipes, afin de réintégrer de la douceur dans ce que vous faites.

Nous faisons un métier, où pour parti nous servons de véhicule d'un message qui ne nous appartient pas. La direction a choisi de mettre en route une transformation, et chacun doit se conformer à ce message.

L'entreprise recrute des coachs, et ceux ci s'approprient "la transformation", et bien souvent ils essayent de la modeler à leur image, leurs idéaux, leurs valeurs. Je dis ceux-ci, il est entendu que j'en fais partie.

Bien souvent, j'ai ressenti une grande désillusion quand mes idéaux n'ont pas rencontré ceux de l'entreprise. Mon envie de faire les choses bien, en grand, de garantir la sécurité et le bien être de mes équipes, de réussir à faire changer le mindset de toute la chaîne managériale, et tout cela, avec amour et tendresse.

Je me suis rendu compte, qu'il était difficile de faire mon métier, si je restais sur des idéaux trop éloignés des possibilités de l'entreprise où je venais apporter la "bonne parole". J'essaye aujourd'hui de traiter cela avec plus de douceur, et pour moi, et pour les autres, car au final, une transformation apporte une forme de violence, qui ne peut être ignoré. Et en tant que coach, je dois composer avec cette violence, pour la ramener à quelque chose de plus doux et serein.

Violence envers les managers


Les managers ont des objectifs chiffrés, des plannings de livraison à tenir, et bien souvent avec peu de moyens, car la transformation doit apporter les leviers de productivité. Ils n'ont bien entendu pas le droit non plus de dégrader la production, car la transformation apporte vélocité, et qualité, il n'y aucune raison de réduire la voilure. Nous sommes bien conscients, que tout changement nécessite  un temps d'intégration, d'apprentissage, et de maîtrise. Je trouve tout à fait normal que la production soit dégradée dans un premier temps, pour amener ensuite une forme de productivité, plus de motivation(bien être), le fait de ne produire que de la valeur, et de la qualité.

Les managers doivent porter bien souvent une transformation qu'ils n'ont pas choisi, sans moyen, ni support. On voit bien la violence dans  l'injonction "change" (devient agile) qui est en contraction avec "ne change rien" (la production doit continuer de la même manière, même niveau de service).

Violence envers les équipes

Pour les équipes, il y a de la violence également. De manière implicite, le message véhiculé ressemble fort à "on va vous apprendre à travailler maintenant". Pour autant, le message est souvent bien accueilli car il va avec de nombreuses promesses : "auto gestion", "autonomie", "droit à se gouverner", "plus de valorisation de la production".

Malheureusement, on s'aperçoit souvent qu'on n'aboutit que rarement à cette promesse, et on atteint souvent un plafond de verre. On demande aux équipes des résultats tangibles, hors de la même manière une non autorisation de réduire la productivité, et donc d'apprendre, de se former, de trouver son équilibre. Et on entend souvent ce reproche de manque d' "agilité" : souplesse, flexibilité, acrobatie.

On se retrouve dans la même violence d'injonction.

Violence envers les coachs

Pour les coachs, il y a aussi beaucoup de violence dans les transformations. On nous reproche assez rapidement une posture basse, posture d'émergence, qui dénote un manque d'implication dans le résultat. On aimerait d'ailleurs nous demander de participer à la production, eut égard à notre tarif journalier. Et nous sommes les premiers qui sont remis en cause, pas assez efficace, pas assez de résultats tangibles, mesurés à partir de Kpi quantitatif. Et on n'aura de cesse de comparer avec l'entreprise ou le département, qui elle/lui est agile.

Plusieurs injonctions jouent contre nous : injonction d'aller vite alors que le changement prend forcément du temps, coacher versus produire, faire pareil mais différemment...

Résilience

Au final, comme on peut le voir, une transformation contient sa part de violence, si on n'y prend garde.

Je prends aujourd'hui beaucoup de recul dans ces démarches de transformation. Je me rends compte du nombre d'injonctions, et du nombre d'injonctions contradictoires que tout le monde reçoit. J'essaye de ne pas y apporter les miennes, et au contraire, de mettre à jour les paradoxes pour apporter de la douceur aux équipes, et non pas une sorte de piège ingérable.

J'aime à travailler la résilience de chaque sous système, pour qu'elle puisse encaisser les changements, et pouvoir continuer à vivre et à évoluer. Je préconise pour améliorer cette résilience, de mettre en place des groupes de soutien par exemple, d'écoute et d'un cadre de sécurité psychologique, indispensable pour la capacité à changer.

Il est important que chaque sous système puisse trouver son rythme, sa respiration (pouvoir respirer littéralement). Il est fort possible que la transformation soit asynchrone, et que chaque partie évolue à son rythme. Il est normal de devoir s'arrêter d'apprendre, pour prendre le temps de l'assimilation et de l'intégration, et du repos pour pouvoir réamorcer la machine pour gravir la prochaine marche. Le système a besoin d'énergie pour fonctionner, il ne faut pas hésiter à trouver les moyens de re énergiser par différents moyens (pause, donner du sens, célébrations, maturité d'équipe, intégration,...)

Je ne suis pas un bisounours, mais je me préoccupe du long terme, et non des succès court termistes( sans déconsidérer la démarche des petits pas). C'est une grande chose de changer, il faut beaucoup de douceur, de délicatesse, et de considération, pour éviter qu'une grande vague vienne se fracasser sur ces personnes avec qui nous travaillons et nous emporter dans le même temps.


"Un commencement est un moment d’une délicatesse extrême."

 -- Princesse Irulan