mardi 1 septembre 2020

Ecoute et manque d'écoute

J'ai remarqué qu'il y a beaucoup d'articles sur l'écoute, l'importance de celle ci, et l'émergence de tous ces métiers qui se basent sur cette compétence.

On sent une réelle importance autour de cette capacité, et une forme de nécessité d'avoir des gens qui revêtent l'habit de l'écoutant.

Est ce que c'est quelque chose de nouveau? A-t-on plus besoin d'écoute aujourd'hui que hier?


Hier et Aujourd'hui

En prenant un peu de recul, et en regardant notre histoire, j'ai l'impression que l'écoute a toujours été un besoin présent.
On retrouve ce rôle d'écoutant dans différents métiers, mais aussi au travers de certains collectifs :
  • La confidente : femme de chambre, demoiselle de compagnie, parfois la prostituée dans une maison close
  • Le prêtre : la personne instruite du village, qui était en posture d'écoute et de conseils, ou parfois simplement par le truchement de la confession
  • Les clubs : l'appartenance à un groupe permet d'avoir des pairs pour écouter
  • Les travaux en commun : boulot saisonnier, aller laver son linge au lavoir... occasion d'être dans un collectif de personne similaire dans une même "souffrance". Position de compréhension, de sympathie, de solidarité
  • La religion : la prière peut être aussi un moyen de s'écouter soi même, et d'être en réflexion personnelle.
Cette liste n'est pas exhaustive, mais vise à montrer qu'il y a de tout temps eu de moyens d'écoute en oeuvre, et que c'est un besoin

Une compétence?


L'écoute est aujourd'hui perçue comme une capacité, quelque chose un peu hors du commun. C'est intéressant. Et cela mérite de s'y attarder.

L'écoute nécessite une forme d'engagement, un intérêt qu'on porte à l'autre. Finalement, cela nécessite un effort, de dépenser une énergie interne au profit de l'autre. Et la plupart du temps, c'est quelque chose qui est fait naturellement, qui ne demande pas de se poser la question.
Il se trouve qu'aujourd'hui, et c'est mon opinion, on cultive une forme d'avarice à dépenser son énergie pour les autres, sans en retirer une forme de plaisir.
Nous sommes dans une société très orienté sur le plaisir, le culte de sa propre personne. Et on recherche un plaisir immédiat à moindre coût, qui demande un effort très réduit. On nous rabâche que la vie est dure et qu'il faut en profiter, donc chacun conserve son énergie pour la dépenser vers ce qu'il va lui procurer du plaisir.
Dans ce cadre, écouter quelqu'un, hors des profils naturellement empathique, qui sont naturellement dans la recherche de l'aide à son prochain, et qui y trouvent un plaisir certains, écouter quelqu'un est une perte de temps personnel. Cette parole est d'un froid absolu, mais il permet de se confronter à une forme de réalité.

On a ce premier constat, où finalement, nous sommes devenus avare de notre énergie, et surtout à la dépenser pour autrui, mais je pense qu'il y a un deuxième phénomène.

S'écouter Soi


J'ai l'intuition qu'on a perdu la faculté de parler des choses. Et plus profondément aussi, qu'on a oublié d'être en écoute de soi même. Et de fait, la non faculté de parler des choses viendrait aussi du fait qu'on ne sait pas qu'on a besoin de parler.

La société privilégie le sentiment superficiel (ex réseaux sociaux) sur les apparences, et la surenchère de qui est le mieux, qui est le plus heureux, ... Du coup, on va gommer (vive les filtres) toute trace de non normalité, de non heureux, ... et on va plutôt montrer que tout va bien, et être dans la course de moi, j'ai la meilleure vie.

On le voit notamment par le biais de nombreux influenceurs qui ne brillent pas forcément par la profondeur de leur esprit, mais par leur capacité à rendre brillant tout ce qu'ils font. Vendeur de Pacotille.
On va montrer la consommation, montrer qu'on peut montrer aux autres combien on est normal, et heureux à faible effort.

Culpabilisation


Le sujet réseau social est intéressant. J'ai l'impression que les réseaux sociaux ont une capacité à la culpabilisation très importante. Les personnes peuvent juger votre vie en toute impunité, sans connaître la profondeur de ce qui se passe réellement. On se retrouve dans un cercle où on sent que ma vie n'est pas assez bien, et où se met à envier la vie des autres.
Ce qui nous pousse à mettre des filtres sur notre communication, et à prendre l'habitude de ne parler que ce qui est affichable pour montrer la beauté de sa vie.

Désintérêt


La deuxième chose que provoque le réseau social est le désengagement. On se satisfait de ce qui est montré par chacun, sans essayer de creuser les choses, en commentant avec quelques onomatopées, ou smileys. 
Voir de temps en temps une photo près d'un lac, ou avec un de ses enfants, nous suffit pour voir que l'autre va bien. Mais qu'en est il réellement? Qui pose la question de comment vas tu au quotidien?

On se suffit de cette apparence superficielle, c'est plus facile, cela demande moins d'effort. Et en terme d'énergie interne, c'est économique, on a une vue superficielle de la vie de l'autre, cela peut suffire à la plupart.

Dépenser son énergie pour autrui


Il y a vraiment un sujet autour de l'effort, de l'énergie qu'on y consacre.
Tout le monde veut avoir un corps de rêve, mais ne souhaite pas y consacrer plus que 2h par semaine, et pas plus de 3 mois d'affilées.
Peu de personne, sont capables de se dire je prends un chemin où je me donne un but de transformation, de changement, et ce chemin va me demander une réelle implication, et ce pour les 3 années à venir.  Cela semble harassant et contre intuitif par rapport à ce que nous propose la société actuellement. Consommation rapide, plaisir immédiat, énergie consacrée 0.

Conclusion


Alors oui, le métier d'écoutant resurgit pour pleins de raison:
  • On a perdu l'habitude d'avoir des gens proches qui s'investissent dans la relation
  • On a perdu l'habitude de parler des choses difficiles, de peur d'être jugé.
  • On a perdu l'habitude d'avoir des gens qui ne vous jugent pas
  • On a perdu l'habitude d'avoir quelqu'un qui vous écoute sincèrement
  • On a perdu l'habitude de donner sans chercher à recevoir
  • On a perdu l'habitude de ne pas être dans une relation gagnante
Finalement, quand on voit ce que cela coûte en terme d'énergie de s'investir dans une écoute, une présence à l'autre, est ce que le salaire d'un écoutant (coach, thérapeute, ...) n'est pas justifié? N'est ce pas un travail difficile?

A votre bon coeur, Messieurs/Dames,

:D
















Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire